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Les écoles catho traditionalistes.
11 mars 2008

Témoignage 4

Monsieur,

Les hasards de l'internet m'ont fait découvrir votre site alors que, par curiosité, je cherchais s'il l'on pouvait trouver quelque chose à propos de l'Ecole X,  sur le réseau des réseaux. C'est que je suis moi-même un ancien élève de cette institution peu banale.

Vous témoignez du grand échec que fut pour vous le passage dans cette école, et vous ne taisez pas les souffrances qu'il a occasionnées. Je suis heureux de lire un tel compte rendu dans la mesure où j'avais fini par croire que l'école X n'avait suscité, de la part de ceux qui l'avaient fréquentée, aucune rébellion...

Dirais-je que je partage votre extrême sévérité ? Permettez-moi, avant de répondre, de me présenter un peu. Descendant d'une famille de la grande bourgeoisie, mais marqué par les ferments de "décadence" viscontienne qui s'y étaient introduits au fil du temps, je dois d'abord préciser que mon portrait est fort éloigné de celui de l'ancien élève type de M. X (dont je garde d'ailleurs un vif souvenir). Jugez-en plutôt : franc-maçon, agnostique, presque décidé à demander qu'on me "débaptise" tant m'agacent certaines prises de positions de Rome, amateur de beaux garçons plutôt que de jolies filles, diplômé de philosophie mais nullement thomiste, politiquement  à gauche (et presque d'une gauche très radicale tant j'ai horreur de la sociale-démocratie),  je me range dans la catégorie de ceux que les flammes de l'enfer ne devraient pas épargnés. Mais je suis aussi un parfait sceptique et un homme à paradoxes. Je me flatte, même si je n'y suis pour rien, de descendre soixante fois d'Hugues Capet, et la mythologie bêtifiante de

la Révolution

française n'est pas ma tasse de thé ; il pourrait m'arriver d'assister à une messe pour l'anniversaire de la mort de Louis XVI ; et, si je rejette absolument l'antisémitisme, qui est abject, et le racisme, qui est pure bêtise, je puis m'agacer très vite des pieuses campagnes qu'on mène dans certains cercles parisiens et dans des journaux tels que Le Monde ou Libération.

Mais j'en reviens à notre sujet. J'ai été envoyé fort jeune à l’école X (j'avais six ans) et, pendant les trois années que j'y ai d'abord passées, j'ai joui d'un relatif traitement de faveur. L'abbé X  m'avait à la bonne, quant à l'abbé Y, il s'occupait des "grands". Mais ce que vous dites des claques est vrai ; j'ai vu voler en plein réfectoire des gifles magistrales que je n'oublierai pas. Quant aux coups de ceinturon, j'en ai entendu parler. Etais-je heureux ou malheureux à cette époque ? Je ne saurais dire. Guère heureux, sans doute, mais point malheureux non plus. C'est quelques années plus tard, lorsque je suis retourné à Saint-Michel en classe de cinquième, que j'ai beaucoup souffert. Je n'avais nul souci avec  l'abbé X  ; en revanche, l'étrange corps professoral - dont vous dites bien l'incroyable bigarrure - ne me comprenait guère, et c'était réciproque. Quant au fameux Frère X. - vous voyez de qui je veux parler -, ce que je pourrais en dire ici me mènerait au tribunal pour diffamation. En fait, ce furent surtout mes camarades qui me firent subir les pires avanies : jugeant que mes manières étaient efféminées, ils m'ostracisèrent en permanence et ne m'épargnèrent aucune rebuffade (à quelques exceptions près, bien sûr). J'en ai souvent versé des larmes amères après que la lumière fut éteinte dans les grands dortoirs où l'on nous parquait la nuit.

Dieu merci (...), je poursuivis ma scolarité à Saint-Joseph des Carmes. Fut-ce l'influence du climat ? J'y ai mieux vécu. Il y avait là, naturellement, toutes sortes de cas : mais je ne m'y suis pas fait que des ennemis. Et il y avait, dans le personnel de direction, un homme remarquable par sa largeur d'esprit, qui acceptait parfaitement que je n'aie pas la foi (cela ne m'empêchait pas d'aller à la messe trois fois par semaine, comme les autres), et avait bien compris que je n'étais pas tout à fait comme les autres. De même, j'ai eu là de bons professeurs, et de fort médiocres. Bon élève (quoique atypique), je fus reçu au baccalauréat avec mention bien et admis en hypokhâgne.

Cette éducation réactionnaire (point amusante tous les jours) a-t-elle été exclusivement négative ? Elle a développé chez moi l'esprit critique, et m'a donné du goût pour la subversion. Ce n'est pas si mal. Cela dit, elle m'a aussi coûté très cher sur le plan psychologique. Eût-ce été mieux dans un lycée public ? Je n'en sais que trop rien, tant mon cas me paraît singulier. Dans un bon lycée, probablement ; dans un lycée médiocre, ce n'est pas sûr.

Quant à la discipline qui régissait ces établissement, je la juge aujourd'hui avec nuance, au vu de mon expérience de professeur de l'enseignement public. Il va de soi que c'était étouffant et anachronique. Pour autant, je n'oublie pas que l'homme est fait d'un bois tordu, et que l'éducation doit le détordre. La licence qui règne aujourd'hui dans les lycées ne mène à rien non plus, et c'est la possibilité d'une instruction qu'on finit par mettre en péril. Croyez que j'en sais quelque chose. Je n'ai aucun goût pour la chose militaire, je suis même libertaire à mes heures, mais je crois que la liberté se conquiert. Si mes chers élèves devaient porter blazer et cravate, ils laisseraient probablement à la porte du lycée la part détestable de la jeunesse que notre société leur a fabriquée.

Bien sûr, cher Monsieur, mon expérience rejoint la vôtre - encore que par d'autres chemins. Mais je me refuse à me laisser aveugler par la force du rejet que peut m'inspirer l’école X  et ses monstres.

Très cordialement.

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